LE PRÉSIDENT RENÉ ROCH REVIENT SUR 2002

ET PARLE DE SES PROJETS

 
                                                                                                                                                                 

 

Interview par Jean-Marie Safra

 

Le Président de la FIE a accordé un très long entretien à M. Jean-Marie Safra, concernant principalement l’avenir de l’escrime international.

 

Pour économiser votre temps que je sais précieux et ménager votre énergie hélas pas aussi inépuisable que ça! j’ai sélectionné pour vous les chapitres les plus importants.

CB

 

-L’année 2002 a été marqué par de longues polémiques au sujet du nombre d’épreuves accordées à l’escrime aux Jeux Olympiques en 2004. Des erreurs ont-elles été commises, autrement dit l’escrime n’avait-elle vraiment aucune chance d’avoir douze médailles à Athènes?

 

Avoir douze médailles était un souhait pour moi bien évidemment et pour la Fédération Internationale. Mais à partir du moment où le Comité International Olympique avait pris une décision extrêmement nette, il était inutile d’insister comme certains l’ont fait. Il était surtout inutile d’engager les tireurs dans une mauvaise voie, qui a finalement été dommageable pour notre sport.

 

- À partir du moment où le CIO s’est montré intraitable en accordant dix médailles au lieu des douze souhaitées, est-ce que l’on peut craindre que l’escrime soit fragilisée?

 

Je ne le crois pas. L’escrime a montré qu’elle était assez forte pour surmonter cette crise. Elle l’a surmontée parfois avec difficulté, mais le CIO a reconnu nos efforts, même si nous n’avons pas obtenu entière satisfaction. Je sais notamment que les plus hauts dirigeants de l’Olympisme ont apprécié que nous ne soyons plus uniquement les représentants de quelques nations européennes, mais que l’escrime mondiale soit aujourd’hui un ensemble de pays qui souhaitent le développement de notre sport.

 

- Le changement de président à la tête du CIO a-t-il modifié les cartes?

 

Non. La politique du président Rogge, sur ce point, est celle qui a été suivie par son prédécesseur, Juan Antonio Samaranch. Il y a peut-être une chose qui aurait été de nature à inverser la tendance: si, aux JO de Sydney, nous avions pu faire porter les masques transparent aux tireurs, afin de bien montrer à quel point l’escrime était engagée sur la voie de la modernisation. Il n’est pas impossible qu’avant son départ le président du CIO aurait alors fait en sorte de nous attribuer ces deux médailles supplémentaires que nous demandions. Mais, là encore, il y avait quelques grands pays dont il faut bien dire que l’objectif était avant tout de s’opposer systématiquement à toute modernisation.

 

- Vous venez d’évoquer le masque transparent. À propos, on n’en entend plus parler. Le projet est-il abandonné?

 

Pas du tout, aujourd’hui, le Comité Exécutif recommande l’usage du masque transparent. Je pense que nous pourrons le rendre obligatoire pour les sabreurs aux Jeux Olympiques. Le sabre serait alors un modèle d’avant-garde dans notre sport ainsi qu’il l’est déjà pour l’escrime sans fil.


 

- Jacques Rogge a aussi l’habitude de dire que les sports doivent comprendre que les Jeux Olympiques ne sont pas les Championnats du monde. En clair, qu’il n’y a pas de raison à ce que les programmes des deux correspondent étroitement et que ce n’est pas pour autant que le sport en question en est décrédibilisé. Qu’en pensez-vous?

 

C’est aussi mon avis. L’ensemble des sports doit pouvoir entendre, et accepter, cette position. L’escrime a longtemps considéré que les Jeux étaient, tous les quatre ans, ses Championnats du monde. La preuve en est que durant l’année Olympique, il n’y a pas de Championnats du monde. Les temps changent, nous devons l’admettre, et nous organiser en conséquence.

 

- Comment expliquez-vous que les sponsors s’intéressent ainsi à l’escrime alors qu’à de rares exceptions près - les Championnats du monde de Nîmes par exemple - il n’y a souvent que peu de public aux compétitions?

 

Ce qui intéresse les sponsors, bien entendu, c’est la télévision. Et c’est là que nous avons fait de très gros progrès. Nous avons un contrat avec l’UER et nous sommes en train de démarcher NBC... Nos temps d’écoute de télévision sont bons. Nous n’avons pas de mauvais scores aux Jeux Olympiques bien que nous ne retransmettions que les demi-finales et les finales. Par ailleurs, Tissot s’est aperçu que l’escrime présente une bonne visibilité du sponsor tout au long de la retransmission télévisée.

 

- Alors, il y a un problème de date?

 

Il faut rappeler que j’avais demandé à l’UER quelle était la période la plus propice pour diffuser les Championnats du monde. La réponse avait été octobre ou novembre. C’est ce que nous avons fait pour Nîmes avec la satisfaction que l’on sait. Hélas, certains pays ont préféré revenir à la situation antérieure. J’avais objecté que cette période était très chargée en compétitions de très grande envergure - avec notamment en 2002 la Coupe du monde de football. Nous avons réussi à repousser les Championnats du monde de Lisbonne à fin août. Mais, il est bien certain qu’en août en Europe, tout le monde est à la plage...

 

- Les championnats du monde 2003 sont à Cuba. Pour 2005, il y a deux candidats, Turin et Leipzig, quelles sont leurs propositions de dates?

 

À Cuba, ce sera en octobre, Leipzig ou Turin en novembre. On revient aux dates que je préconisais et c’est une très bonne chose pour notre sport car il faut toujours regarder ce qui se fait dans d’autres disciplines pourtant plus médiatiques.

 

- Peut-on réellement affirmer que l’escrime demeure un sport éducatif?

 

C’est un sport éducatif, c’est évident et nous le devons à nos éducateurs, à nos maîtres d’armes, qui doivent affronter l’influence néfaste d’une certaine modernité. Il faut donner aux jeunes qui veulent faire de l’escrime le sentiment de l’honneur, un certain exemple de courtoisie, ce qui n’est pas facile dans le monde où nous vivons.

 

- L’escrime est un sport difficile à juger et dont certaines actions donnent lieu à des discussions passionnées. Estimez-vous que l’arbitrage puisse continuer indéfiniment à progresser?

 

Avec le recul, on s’aperçoit en effet, qu’en dépit d’erreurs toujours très regrettables, l’arbitrage s’est nettement amélioré au cours des dernières années. C’est un point très positif. Surtout, nous avons un arbitrage qui est «beaucoup plus honnête». Pendant très longtemps, l’arbitrage n’était le fait que de quelques pays, le fait des rois. Ils présentaient aux Championnats du monde un nombre d’arbitres assez considérable. Un autre pas en avant a été fait quand nous avons décidé que, pour les

 

Championnats du monde, nous admettrions un seul arbitre par pays. Enfin, nous commençons à développer un véritable corps arbitral. Il faut que, pour les Grands Prix, les arbitres soient désignés à partir d’une liste et que, dans ces compétitions, un membre de la Commission d’arbitrage puisse noter les arbitres et cela afin de pouvoir véritablement choisir les meilleurs arbitres pour les Championnats du monde.

 

- Il y a un certain nombre de pays qui s’affilient régulièrement à la FIE. Dans la mesure où ils ont encore très peu d’escrimeurs, peut-on vraiment leur accorder la même audience qu’au pays à la pratique beaucoup plus ancienne?

 

Je ne vois pas pourquoi nos règlements devraient être différents de celui des grandes instances internationales. Quand un pays est admis, en toute logique, il a voix au chapitre. Rien ne dit d’ailleurs qu’il ne vas pas mettre les bouchées doubles. Je prends l’exemple du Qatar qui est entré dans le giron de la FIE il y a seulement deux ans. Et bien au Qatar, les tireurs progressent à grand pas. Pareil pour le Sénégal. Ses tireurs ont participé, l’année dernière, aux Championnats africains où il y avait de vieux pays d’escrime comme l’Egypte, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique du Sud, etc., et une jeune Sénégalaise est vice-championne de sabre féminin...

 

- Si l’on revient sur les Championnats du monde 2001 et 2002, on a pu déplorer que les finales à l’épée masculine par équipes, entre les Estoniens et les Hongrois, et au fleuret féminin individuel, entre les deux Russes, aient été gâchés, par un excès d’attentisme des combattants. Cela a abouti à un non-spectacle. Que peut-on envisager pour éviter que cela se reproduise?

 

Ceci n’est pas un phénomène nouveau. L’accord tacite entre deux tireurs est une pratique qui existait il y a trente ans et qui réapparaît maintenant. Ce n’est pas une raison pour ne pas chercher un antidote. Après Nîmes, nous avons pris certaines mesures qui, à l’épreuve, se sont révélées insuffisantes. Nous avons souvent le tort de prendre des décisions qui, à l’évidence, ne sanctionnent personne parce qu’on ne veut pas «faire de peine». En somme, on ne recherche pas l’efficacité. Il faut faire preuve de beaucoup plus de fermeté. Il faudra peut-être aller jusqu’à la suspension des deux tireurs.

 

- Et si c’est la finale?

 

Précisément, si c’est la finale, ils vont tirer parce qu’ils ne voudront pas se faire disqualifier tous les deux. Le spectacle en sortira gagnant.

 

Comment encore améliorer le spectacle?

 

Pour l’escrime, améliorer le spectacle passe forcément par une meilleure compréhension du public. Un sport qui doit toujours expliquer ce qui se passe sur la piste ne peut pas être vraiment spectaculaire. À l’épée, il n’y a pas de gros problème. Au sabre, le risque est tellement grand d’être touché en faisant des gestes inconsidérés qu’il faut rechercher l’action la plus juste et la plus directe. Il en découle des actions conformes à la convention. Reste le fleuret. Tout le monde en est à peu près d’accord: il y a eu une certaine dégradation de cette arme. Elle n’est plus utilisée de manière classique, on l’utilise comme un fouet. Ce n’est pas conforme à son objectif.

 

- Cela ne va-t-il pas encore augmenter le prix de revient de l’escrime?

 

Non. Cela ne changera rien au matériel. Mais puisque vous me parlez du coût du matériel, je voudrais dire que nous ne nous sommes pas toujours autant préoccupés du coût. L’utilisation de la poignée orthopédique coûte très cher: lames maragine et costumes à 800 Newtons, masques à 1600 Newtons, cuirasse, etc. Alors que l’appareil sans fil et la suppression de la lampe blanche supprime

 

les installations coûteuses des salles d’armes et les pistes métalliques. Ce qui est un réel intérêt pour les pays où nous voulons promouvoir notre sport.

 

- Quels sont les autres projets qui vous tiennent le plus à cœur pour les deux années à venir?

 

Je pense à la restauration de la courtoisie et à la disparition de la violence: il nous faudra nous donner les moyens d’atteindre ces objectifs. Je pense à la lutte contre le dopage. Je pense à la réforme du fleuret afin qu’il retrouve son lustre. Il faut s’interroger sur le temps de blocage des lampes. Dans tous les sports de vitesse, plusieurs dixièmes de seconde semblent une éternité. Ces modifications seront très importantes pour que notre sport soit mieux médiatisé et mieux compris par le public. Je considère qu’on a beaucoup fait et je remercie tous ceux qui ont participé à ces améliorations mais il y a encore beaucoup à faire. Nous allons mettre à profit les dix-huit mois qui nous séparent des Jeux d’Athènes pour préparer l’après 2004.

 

Je remercie tous ceux qui ont participé à notre évolution, que ce soit les tireurs, les présidents de fédérations nationales, les officiels et les membres des commissions, sans oublier le Comité Exécutif.

 

Source: Escrime internationale. FIE, no 43, 3/2003

Texte: Jean-Marie Safra

 

RÉUNION DU COMITÉ EXÉCUTIF, Lausanne, le 14.12.2002. Relevé rapide des décisions.

 

- Le Comité Exécutif recommande l’utilisation des masques transparents dans toutes les compétitions de la FIE.

 

- Le Comité Exécutif ne voit pas d’inconvénient à ce que les tireurs utilisent des masques en couleur ou comportant des dessins. Toutefois, et afin d’éviter toute dérive quant à l’image de l’escrime et de la FIE, ces dessins et couleurs doivent être envoyés au siège de la FIE à Lausanne, pour approbation.

 

- Les délégués de la commission SEMI contrôleront le matériel des tireurs, dont les éléments suivants: nom du tireur au dos de la veste; tenues aux couleurs nationales. Le nom du tireur au dos de la veste est obligatoire pour toutes les compétitions de la FIE et à tous les stades de ces compétitions; les dessins des couleurs nationales sur le bras et/ou la jambe des athlètes sont obligatoires et doivent être identiques pour les tireurs d’une même fédération, aussi bien dans les épreuves individuelles que par équipes (dès le début des épreuves pour les Championnats du monde et partir du tableau de 64 pour les compétitions de Coupe du monde seniors). Ces dessins seront soumis à l’approbation du Comité Exécutif, puis transmis à la SEMI. En cas de tenue non-conforme (nom dans le dos ou logo aux couleurs nationales), le Comité Exécutif propose que la sanction suivante soit appliquée: «carton rouge», lors de chaque entrée en piste. Le tireur peut continuer à tirer, mais il est sanctionné par un carton rouge pour chacune de ces infractions.

 

- Le Comité Exécutif est favorable à la proposition suivante de la Commission de Promotion et Publicité: l’organisateur qui n’effectue pas les contrôles antidopage dans un laboratoire accrédité recevra un carton noir et ne pourra pas organiser la compétition la saison suivante.

 

- La Commission d’arbitrage est sommée de faire appliquer le Règlement sur le salut, la passivité, non-présentation sur la piste, etc.

 

- Contrôles antidopage lors des Championnats du monde vétérans 2003. Les organisateurs ont l’obligation d’effectuer des contrôles antidopage.

 

Source: Escrime internationale. FIE, no 43, 3/2003

Texte relevé par Charles Beausire