Daphné Cramer, la bonne surprise
(Le Matin, mercredi 8 octobre 2003)
Dans le camp suisse, la seule bonne surprise des deux jours de
compétitions individuelles d’épée est venue de DAPHNÉ CRAMER. Vainqueur de cinq de ses six assauts en poule
éliminatoire, la Genevoise s’est retrouvée qualifiée directement pour le
tableau principal. Dans celui-ci elle a fait une entrée remarquée face à la
très expérimentée Italienne Elisa Uga,
vice-championne olympique par équipes à Atlanta en 1996. Abordant son match
avec la même insouciance que Sophie Lamon il y a deux
ou trois ans, Daphné Cramer a fait plier l’Italienne. Opposée au deuxième tour
à la Chinoise Shen - qui venait de battre Sophie Lamon - elle a fini par s’incliner, non sans lui avoir
opposé une vive résistance. Il y avait encore 9 - 9 à moins d’une minute de la
fin. «A 9 - 9, j’ai commis une erreur tactique, analysait la Genevoise. J’ai
essayé de la faire partir de la même manière que j’y étais parvenue plus tôt
dans l’assaut, mais elle a compris mon jeu et a trouvé la solution». Et
d’ajouter: «Je suis déçue de ma fin de match, mais contente de mon résultat
d’ensemble».
Bernard Morel
«Je suis fâchée contre moi»
Sophie Lamon a été battue
dès le premier tour
(Le Matin, mercredi 8 octobre 2003)
Nettement dominée par la Chinoise Weiwei Shen, la Valaisanne ne
cherchait pas la moindre excuse
«Je dois encore apprendre à gérer une entrée de championnat du monde».
Pour Sophie Lamon, l’épreuve individuelle d’épée
féminine s’est limitée à un seul assaut. Entrée directement dans le tableau
principal, elle a perdu nettement (9 - 15) face à la redoutable Chinoise Weiwei Shen. Cruel échec! «Ça
fait mal de venir ici pour un seul match, ajoutait la Valaisanne. Je sais que
c’est la loi du sport, que je ne suis pas la seule à avoir connu une
élimination prématurée, mais je ressens une grande frustration».
Malgré l’émotion, Sophie Lamon
faisait preuve d’une grande lucidité dans son analyse. Surtout, elle se
montrait extrêmement dure avec elle-même. «Je suis fâchée contre moi,
lâchait-elle. Si j’avais perdu 15 - 14, je ne réagirais pas ainsi. Mais là, je
suis très déçue de ce que j’ai fait. A aucun moment, je n’ai réussi à appliquer
ce dont je suis capable. Je n’ai pas trouvé en moi la confiance nécessaire pour
jouer mon escrime, pour imposer mon rythme». Après une pause, elle précisait
encore. «Ce n’est pas Shen qui m’a empêchée de faire
mon jeu, c’est moi qui n’ai pas été capable de le mettre en place. Bien sûr,
elle est forte et je n’ai pas eu le sourire quand j’ai vu que je devais la
rencontrer. Mais je l’avais déjà battue en Coupe du monde l’année dernière.
Non, je n’ai vraiment aucune excuse».
«Maintenant, je me pose des questions»
A vrai dire, cet échec a mis Sophie Lamon
face à une dure réalité. Elle n’est plus cette jeune qui vient bousculer les
favorites avec insouciance, mais elle n’a pas encore l’expérience qui permet
d’aborder avec sérénité ce type d’événement quand on est, sinon une favorite,
tout au moins un outsider. «Etre capable de trouver mon escrime dès le premier
assaut d’un grand rendez-vous, voilà mon travail, relevait encore la Sédunoise. Je ne peux pas dire que j’étais crispée, mais
sans doute ai-je eu un peu peur».
Et de pousser l’analyse plus loin sur son évolution: «Je n’aborde plus
un championnat du monde avec insouciance comme ce fut le cas aux JO de Sydney
ou l’année d’après à Nîmes. Maintenant, je me pose des questions. Il n’y a pas
à regretter cette évolution, elle fait partie de la vie de chacun. J’ai envie
d’atteindre un stade supérieur, mais je me rends compte que ce passage ne se
fait pas facilement. Je dois gagner en maturité tout en gardant fraîcheur et
insolence dans mon escrime».
VU ET ENTENDU
LE CARTON
Gianna Hablützel-Bürki a également échoué dès le
premier tour. Elle menait pourtant 13-12 face à la Hollandaise Sonja Tol. Mais elle n’a pas été
capable de gérer cet avantage et s’est inclinée 13 - 15. Pis, lorsqu’elle a
reçu la dernière touche - bêtement sur une jambe - elle a enlevé son masque et
l’a balancé au loin de rage. Elle ne s’est vu brandir
qu’un carton rouge sous le nez, sans conséquence pour elle. Mais si l’arbitre
avait appliqué le règlement, il lui aurait infligé un carton noir, ce qui
aurait privé la Bâloise des deux prochains tournois de Coupe du monde.
LE COUAC
Un seul homme - Marcel Fischer - et une seule femme - Daphné Cramer -
dans les 32: les épreuves d’épée individuelle ont tourné à la déroute pour
l’équipe de Suisse. Les Mondiaux 2001 de Nîmes - médaille d’argent pour Basil Hoffmann et de bronze pour Gianna
Hablützel-Bürki - semblent soudain bien loin.
LA PHRASE
«Sophie a de très grandes qualités, mais elle a encore le mental d’une
teenager». De Rolf Kalich, l’entraîneur national
suisse, pour expliquer le fait que Sophie Lamon ait
échoué dès son premier assaut.
PAS DE MIRACLE POUR LES SUISSESSES
La débâcle est totale
(Le Matin, samedi 11.10.2003)
Nettement dominées par l’Ukraine en huitièmes
de finale, Sophie Lamon et ses camarades ont
pratiquement perdu toute chance de se qualifier par équipes pour les JO
Le miracle n’a pas eu lieu. Prises dans cette dynamique de la défaite
qui habite l’ensemble de l’équipe depuis le début de la semaine, les Suissesses
n’ont pas réussi à inverser la tendance dans le tournoi féminin par équipes.
Elles devaient atteindre le dernier carré pour rester dans la course de la
qualification olympique. Elles sont tombées sans gloire, presque sans
combattre, est-on tenté de dire, en huitièmes de finale face à l’Ukraine.
Paralysie générale
Pour Gianna Hablützel-Bürki,
Diana Romagnoli et Sophie Lamon, Sydney 2000 et Nîmes 2001 sont loin, très loin. A
défaut d’avoir une bonne ambiance dans le groupe, les trois épéistes se
complétaient très bien sur la piste. Mais cette force-là a disparu, peut-être à
cause des problèmes entre la Bâloise et le reste de l’équipe. Partant de là, le
terrain n’était pas favorable pour réaliser un exploit, malgré les tentatives
pour recréer une certaine unité, malgré le fait qu’elles se devaient de réussir
un résultat pour entretenir l’espoir. A vrai dire, l’ensemble de l’équipe est
apparu comme paralysé par l’importance de l’enjeu. Et quand on dit ensemble de
l’équipe, on pense aussi à l’entraîneur, Rolf Kalich.
Comment expliquer le fait que l’Allemand ait donné des consignes aussi défensives
dans les premiers assauts? Face à des adversaires de cette valeur, c’était
aller tout droit à l’échec. «Dans mon premier assaut face à la championne du
monde individuelle Conrad, on attendait de moi que je ne fasse rien, relève
Sophie Lamon. Mais j’ai tenté quelque chose parce que
je ne voulais pas sortir de là frustrée. Je l’admets, je n’étais pas à 100% et
j’ai encaissé trois touches. Dans les deux autres assauts, j’ai fait de la
course pour tenter de combler notre retard, mais il était trop important». Même
si, face à l’Ukraine, la Valaisanne présente le plus mauvais bilan, l’échec ne
lui incombe pas. Il est collectif.
L’équipe féminine a pratiquement perdu toutes ses chances d’aller aux
JO d’Athènes l’an prochain. Il ne reste qu’une possibilité de voir nos
escrimeurs suisses aux Jeux: les qualifications individuelles. Seuls Marcel
Fischer, Sophie Lamon et Gianna
Hablützel-Bürki ont encore une chance.
LA PHRASE
«Dans le futur, peut-être que je prendrai un passeport suisse et que je
tirerai pour l’équipe de Suisse».
De NATALIA CONRAD, championne du monde individuelle. Mariée à un Suisse
- qui n’est pas escrimeur - cette jolie Ukrainienne de 27 ans a une fille de 3
ans, Anastasia, qui, elle, a déjà la nationalité
suisse. Mais, pour l’instant, le couple vit à Kiev.
LE COUAC
La Suisse bien sûr. Mais également la France, aussi malheureuse dans
l’épée par équipes chez les femmes que chez les hommes la veille. Laura Flessel et ses camarades - malgré le renfort cette année de
la Hongroise Hajnalka Kiraly,
devenue Française par mariage - sont tombées dès les huitièmes de finale face à
la Roumanie.
LE CHIFFRE 14
Le rang des Suissesses dans le tournoi d’épée par équipes. Très en deçà
des espérances évidemment. Dans les matches de classement, battues par la
Grèce, puis vainqueurs du Canada, elles ont fini sur une note négative en
s’inclinant face aux Etats-Unis.
Bernard Morel
UNE REMISE EN QUESTION S’IMPOSE
Analyse de l’échec helvétique
(Le Matin, dimanche 12.10.2003)
Gabriel Nigon le
responsable du projet olympique et chef de la délégation suisse tente de donner
quelques explications au sujet de l’échec de La Havane
Le couac de la Havane est d’autant plus dommageable
qu’il va fortement limiter la participation suisse aux prochains JO. Faut-il tout
bouleverser pour autant?
Les escrimeurs suisses ont quitté La Havane samedi 11 octobre 2003.
Avec, dans leurs souvenirs, un peu de la douceur des Caraïbes et beaucoup de
désillusions. Ils étaient venus à Cuba dans l’espoir de raccourcir la distance
qui les séparait d’Athènes. Aujourd’hui, les JO 2004 paraissent bien loin.
Analyse de l’échec suisse avec Gabriel Nigon,
responsable du projet olympique.
- A La Havane, rien n’a été comme vous l’espériez. Les athlètes
n’étaient-ils pas prêts pour un tel événement?
- Il faut faire une distinction entre les hommes et les femmes.
L’équipe masculine est jeune et commence seulement à taquiner les meilleurs.
Cette phase de qualification olympique est sans doute arrivée un an trop tôt.
Les femmes, elles, étaient au sommet il y a deux-trois ans. On attendait donc
des résultats. Or, dans cette équipe, G. Hablützel-Bürki
et D. Romagnoli ont dépassé leur zénith. Elles ont
encore envie de gagner, mais ne sont plus prêtes à tout miser sur l’escrime. S.
Lamon et D. Cramer, elles, n’ont pas encore atteint
leur zénith et sont donc très perfectibles. Le groupe est moins homogène que
celui des hommes.
- A Lisbonne déjà, les résultats n’avaient pas été bons. Ne sait-on
plus préparer les grandes compétitions?
- On a sans doute commis l’erreur de mettre trop de pression sur les
hommes. Peut-être aurions-nous dû leur dire: «Faites-vous plaisir, on n’attend
rien de vous». Je ne crois pas pour autant que notre préparation soit en cause.
En escrime, il est difficile d’être régulier d’année en année. A plus forte
raison avec des moyens limités comme le sont les nôtres.
-Remettez-vous en cause le travail de l’entraîneur Rolf Kalich?
- Il n’est pas question de faire porter à Kalich
la responsabilité de l’échec. On a gagné ensemble il y a trois ans, maintenant
on perd ensemble. Il y a deux ans, à Nîmes, on était au-dessus de notre valeur
réelle, cette année on est au-dessous. Je ne pense pas qu’il faille tout
bouleverser. En revanche, nous devons nous remettre en question et redéfinir
les buts. Notre priorité est de pouvoir engager un entraîneur pour la relève
car Kalich ne peut pas tout faire.
LA PHRASE
«Rolf Kalich... encore entraîneur!»
De Rolf Kalich, avec un humour certain,
lorsqu’il s’est présenté lors de la petite réception organisée vendredi par
l’ambassadeur suisse à Cuba en l’honneur des escrimeurs suisses. Mais sa place
ne devrait pas être remise en cause.
L’HYMNE
Celui de la Russie, entendu trois fois en deux jours lors des
compétitions par équipes d’épée masculine, d’épée féminine et de sabre
masculin. Il s’en fallut de pas grand-chose qu’il retentisse une quatrième fois
dans l’épreuve du fleuret féminin. Mais là, la Pologne a eu le dernier mot.
LEIPZIG OU TURIN
L’année 2004 étant réservée aux JO, les prochains championnats du monde
auront lieu en 2005. Deux villes sont candidates, Leipzig et Turin. Le choix
interviendra à la fin de novembre lors du congrès de la FIE à... Leipzig.
Apparemment, il y a de bonnes chances pour que la cité allemande soit désignée.
On serait loin de la douceur des Caraïbes, mais faire de l’escrime au son de la
musique de Jean-Sébastin Bach, ce serait pas mal
aussi.
Bernard Morel
RÉSULTATS
Championnats du Monde d’escrime La Havane 2003
Epée féminine individuelle
Classement général
1e Conrad Natalia, Ukr, 2e Nisima Maureen, Fra, 3e Cascioli Cristiana, Ita, 3e Li Na, Chn.
puis: 24e CRAMER DAPHNÉ, Sui, 34e Lamon
Sophie, Sui, 47e Romagnoli Diana,
Sui, 58e Hablützel-Bürki Gianna,
Sui,
Epée féminine par équipe (Equipes présentes 24)
Classement général
1e Russie, 2e Allemagne, 3e Hongrie, 4e
Estonie puis 14e Suisse.
Epée masculine individuelle
Classement général
1e Jeannet Fabrice, Fra, 2e Khvorost Maksym, Ukr, 3e Robeiri Ulrich, Fra, 3e
Zakharov Vitali, Blr.
puis: 18e Fischer Marcel,
Sui, 45e Hoffmann Basil, Sui, 100e Kauter Michael, Sui, 101e Steffen Benjamin,
Sui.
Epée masculine par équipe (Equipes présentes 39)
Classement général
1e Russie, 2e Allemagne, 3e Suède, 4e Pologne.
puis: 17e Suisse
CADRE DE MÉDAILLES
BA