CHRONIQUE DU XIXe SIÈCLE

 
                                                                                               

 

Assaut annuel

de la Société d’Escrime de Genève

 

du 30 avril 1892

 

La Société d’Escrime de Genève donnait samedi, dans son local de la rue Calvin, son grand assaut annuel sous la présidence de M. F. Lacombe devant une assemblée nombreuse et choisie.

 

L’élite des professeurs et les meilleurs amateurs de Suisse avaient été conviés à cette fête de l’escrime et, par leur présence, ont assuré la réussite de cette réunion. Brillante… à tous les points de vue, car, ce soir-là, on inaugurait l’éclairage à la lumière électrique.

 

M. Rollet, l’excellent professeur de la Société, est empêché de prendre part aux assauts par suite d’un accident de peu  de  gravité  survenu  quelques  jours  aupara-vant, au grand regret des admirateurs de ses parades robustes et vives et de ses ripostes foudroyantes.

 

Text Box:  Les assauts officiels sont ouverts par M. Bardin, le doyen des professeurs, toujours jeune et vigoureux et M. F. Lacombe, président de la Société, dont la tenue calme et correcte, le jeu élégant et les attaques rapides ont été vivement appréciées.

 

A signaler pendant l’assaut un dégagé de vitesse et un coup droit bien saisi de M. F. Lacombe, une riposte dedans et pour la belle chaudement disputée un dégagé en sixte bien allongé de M. Bardin.

 

Text Box:  Text Box:       Me BardinPour le second assaut les adversaires sont M. Berthe, professeur à Lausanne, le tireur fin et délicat par excellence, et M. Moynier « membre de la Société » adversaire redoutable par ses feintes rapides et serrées.

 

Salut correct, assauts variés et intéressants. Attaques fréquentes, contre-ripostes, doublement dessus admiré de M. Moynier et une magnifique riposte de M. Berthe par « une-deux » en sixte.

 

   M. Moynier

 
L’assaut suivant entre M. Guibat, professeur à Berne, et M. Piachaud, a été suivi avec intérêt par le fait qu’un jeune tireur se trouvait en présence d’un professionnel connaissant toutes les finesses de l’escrime. Malgré toute la science de son


 

 

adversaire, M. Piachaud s’est fort bien défendu. Nous avons applaudi un dégagement de vitesse et « une-deux-trois » dessus de M. Guibat, à l’actif de M. Piachaud, notons un coup de temps bien saisi et « une-deux » dedans.

 

Quatrième assaut entre M. Berthe, neveu, et M. Reymond, sociétaire. Le jeu de M. Berthe, neveu, professeur à Vevey, a été fort admiré des connaisseurs, doigté délicat, feintes bien marquées et allongées, en un mot, jeu classique.

 

M. le Dr Reymond, aussi habile tireur au fleuret qu’à la carabine, lui a tenu tête avec beaucoup de sang-froid par des parades vigoureuses et des ripostes franchement lancées. A signaler : une feinte de coup droit dégagé, bien filé de M. Berthe neveu, et un dégagé bien réussi de M. Reymond. Les tireurs auraient évités des rencontres de gardes et quelques coups moins corrects que les précédents en attaquant davantage de pied ferme. L’assaut se termine par une belle phase à la suite de laquelle M. Reymond est touché par une-deux dedans.

 

Cinquième assaut : MM. Dufour, prévôt à Lausanne, Bardin, fils, amateur à Genève : tel père, tel fils et tel maître, tel élève.

 

M. Bardin, fils, a hérité de son père la vigueur et l’entrain, avec l’expérience et le sang froid qu’il acquerra par la pratique, il deviendra un tireur accompli.

 

M. Dufour, par la finesse et la délicatesse de son doigté, nous prouve qu’il travaille sérieusement avec M. Berthe, son professeur.

 

Nous avons admiré une belle riposte dessous après « parade au tac » dedans de M. Dufour et une « riposte par dégagé » de M. Bardin, fils.

 

Ensuite M. Moriaud, élève de M. Schiess, vif et attaqueur par excellence, a rencontré chez M. Audéoud les mêmes dispositions à l’attaque. Plusieurs coups doubles en ont été la conséquence.

Text Box:

Un axiome en passant : Un tireur doit, pendant l’assaut se servir de ses jambes beaucoup plus pour se fendre que pour rompre ou marcher.

 

Text Box:  Text Box:     M. BellamyLa première partie s’est terminée par l’assaut de M. Vigny, professeur, le tireur élégant et souple, contre M. J. Bellamy, sociétaire, dont le jeu ardent surprend au début son adversaire. Le premier coup de bouton est chaudement disputé avec une rapidité telle qu’il est difficile de suivre les péripéties de la lutte. Passe d’arme animée et un peu nerveuse.

 

    Me Nanche

 
La deuxième partie est ouverte par un assaut entre M. Nanche, prévôt de M. Schiess, et M. Dumont, prévôt de M. Rollet. Salut correct et élégant. Deux fines lames sont en présence. M. Dumont a été à bonne école et peu s’en faut qu’il possède le fameux contre de quarte de M. le professeur Rollet. M. Nanche, tireur expérimenté, jolie position, bien en ligne, trompe et suit le fer avec aisance et rapidité.

 

Viennent ensuite MM. Bouvier et Pictet, tous deux sociétaires. Nous avons constaté que M. Pictet est un tireur d’avenir. Pour sa part, M. Bouvier se tient plutôt sur la défensive et réussit quelques belles ripostes.


 

 

Dans l’assaut suivant, MM. de Loriol et Delapalud nous montrent une fois de plus les heureux résultats obtenus en peu de temps par l’excellent enseignement de M. le professeur Rollet.

 

M. Bernard, prévôt de M. le professeur Vigny, tireur correct et de sang-froid fait un bel assaut avec M. Ed. Chenevière, dont les attaques franches et redoutables occasionnent une jolie série de contre-ripostes. Assaut un peu calme au début.

 

Pour terminer la partie officielle M. Schiess, professeur, croise le fer avec M. Buscarlet, le célèbre gaucher genevois adversaire redoutable par l’énergie de ses attaques et la rapidité de ses parades qui font comprendre qu’un coup de bouton réussit sur M. Buscarlet peut être considéré comme un succès. La position irréprochable et calme des tireurs même pendant les plus vigoureuses attaques, a été fort admirée du public.

 

La partie officielle terminée, les assauts particuliers se succèdent sans interruption jusqu’à onze heures. Heure à laquelle la salle d’armes se transforme en salle de banquet aux sons d’un excellent orchestre.

Text Box:

M. Lacombe, président, souhaite une cordiale bienvenue à tous les professeurs et amateurs d’escrime venus prendre part à cet assaut dont ils ont asssuré la brillante réussite.

 

Text Box:  Text Box: F. Lacombe, présidentLe banquet se prolonge tard dans la nuit, très gai grâce à l’humour et à l’entrain de M. Ed. Chenevière et aux productions littéraires et musicales variées.

 

Constatons un fait réjouissant : l’escrime fait chaque année en Suisse un grand pas en avant, nous en avons la preuve vivante à Genève où nous possédons six grandes salles d’armes toutes prospères et chacune sous la direction d’excellents professeurs.

 

Text Box:   M. Ed. ChenevièreLa Société d’Escrime seule compte déjà 120 membres, dont environ 70 travaillent régulièrement chaque année. Son but est de développer toujours plus cet excellent exercice que l’on ne saurait commencer trop jeune.

 

Tiré de l’« Union Sportive » du 15 mai 1892. et arrangé par P. Beausire

 

 

 

 


 

 

Me NANCHE

Instructeur de l’Ecole de Joinville-le-Pont

 

Professeur à Genève en la salle du 24 de la rue du Marché


Nous avons lu, dans l’article ci-dessus, que Me Nanche, alors prévôt de Me Schiess, avait tiré avec Me Dumont, lui-même prévôt du professeur de la Société d’Escrime de Genève Me Rollet. Me Nanche était considéré, déjà, comme une « fine lame, tireur expérimenté, jolie position, bien en ligne, trompe et suit le fer avec aisance et rapidité ».

 

Voici une biographie de ce maître datant de 1893 (voir photo ci-dessus) :

 

Nanche est né à Genève en 1865 de parents français. De taille moyenne, châtain, les traits énergiquement sculptés, le né aquilin surmontant une fine moustache, le front élevé, Nanche présente un type éminemment franc et sympathique ; son regard clair et droit comme une épée dit toute la loyauté de son cœur. Son abord facile et sa bonne humeur inaltérable lui concilient vite l’amitié de ceux qui l’approchent.

 

Il avait déjà fait ses armes avec un ancien maître d’armes quand, à vingt et un ans, il entra au service militaire ; au bout de six mois de salle à l’école d’escrime de son régiment, à Clermont-Ferrand, il obtint le brevet de prévôt. L’année suivante, il était nommé caporal-second-maître et le 5 août 1889 il gagnait au Puy une médaille d’argent, premier prix d’un concours d’escrime. Il passa successivement en garnison à Lyon, Grenoble et le 11 décembre de la même année, après avoir présenté à l’examen de prévôt huit de ses élèves qui furent reçus parmi les premiers, il fit lui-même le concours d’admission à l’école de Joinville-le-Pont où il obtint le numéro 1. Après une année de travail à l’école comme élève, il sort second à l’examen d’enseignement puis, en qualité de moniteur, il fait encore une année de service. A son retour à Genève, Nanche fut d’abord prévôt de la salle Schiess, puis en octobre 1892, il ouvrit lui-même une salle, 24, rue du Marché, où il réunit rapidement de nombreux élèves.

 

On se souvient sans doute du brillant assaut que ceux-ci donnèrent à l’Hôtel de la Métropole en février 1893, auquel assistait un élégant public féminin ; cet assaut, remarquable par sa correction, fut un des plus réussis que l’on ait vu à Genève. A la Société d’Escrime, un peu plus tard, Nanche faisait admirer son jeu délicat, son doigté merveilleux, la correction que donne seul le travail sérieux d’école.