(Texte relevé par
Charles Beausire)
F L E
U R E T
Deux articles très complets ont paru dans la revue: Escrime Internationale dont l’un de Me Ioan Pop traite de la crise de l’identité du fleuret et l’autre dû à la plume de Me Gérard Six étudie les similitudes et spécificités des 3 armes.
Voici l’introduction de l’article de Me I. Pop.
Les tireurs particulièrement intéressés par cette arme peuvent demander à
notre ami Bruno la photocopie complète de l’article, de même que celui de Me
G. Six.
CB
LA CRISE D’IDENTITÉ DU FLEURET
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Le 30 octobre 2001, lors des Championnats du monde à
Nîmes la FNMA (Fédération nationale des maîtres d’armes), a organisé une
réunion à laquelle j’ai eu l’honneur d’être convié. Le sujet de cette
réflexion et débat collectif a été la crise d’identité du fleuret ainsi
que la disparition de sa logique interne.
La constatation a été commune et sans équivoque:
la pratique de l’escrime de compétition au fleuret ignore les définitions
techniques du règlement et de la convention. Celles-ci ne correspondent plus à
l’escrime enseignée par les maîtres d’armes et ne respectent pas non plus
les axiomes fondamentaux de la formation des maîtres. Par conséquent,
l’arbitrage se relativise, et en perdant ses repères, se retrouve souvent
dans la situation d’accorder la priorité, non pas à la meilleure exécution,
mais à la moins mauvaise.
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Dans mon intervention, j’ai énuméré mes
observations les plus importantes ainsi que leurs conséquences les plus
dangereuses pour le futur du fleuret. En voici le contenu:
-- Les attaques directes, de première
intention, exécutées à vitesse maximum en allongeant le bras et en menaçant
la surface valable, en trouvant le bon moment (le tempo), ont presque disparu.
-- La disparition de l’attaque directe a pour
conséquence la disparition de l’attaque composée. Si nous ne menaçons pas
avec la feinte pour contraindre l’adversaire à réagir, la feinte n’est
plus feinte, donc l’attaque composée n’a plus de raison d’exister.
-- Généralement, les attaques ne sont plus
des attaques dans le sens du Règlement et de la Maîtrise. Nous pouvons les
nommer des initiatives, marcher et s’approcher de l’adversaire, ou tout
simplement nous pouvons définir l’attaque comme des mouvements avec les
jambes dans la direction de l’adversaire.
-- Toute la logique du combat a disparu. Le dialogue
des gestes des deux adversaires s’est transformé en deux monologues parallèles.
Nous n’assistons plus aux actions d’un tireur et aux réactions conséquentes
de l’autre. Les phases préparatoires pour masquer les vraies intentions
tactiques ont complètement disparu.
-- Les attaques en fente et en marcher-fente sont
devenues rares. Par contre, le pourcentage des attaques avec de nombreuses
marches successives, passe avant et flèches, a augmenté. Les attaquants, une
fois partis en offensive le bras raccourci, «menacent» dans la plupart des cas
le plafond, ou éventuellement la piste, et ne s’arrêtent plus; ils suivent
leurs adversaires jusqu’au bout du terrain. La construction des vraies phrases
d’armes avec des déplacements complexes et laborieux a été remplacée par
un pressing et une poursuite continue de l’adversaire jusqu’au bout de la
piste en provoquant dans la plupart des cas, ou bien une contre-attaque, ou
alors une parade précipitée.
-- Comme l’offensive est déclenchée d’une
distance très grande, celle-ci ne constitue jamais une surprise. L’attaque
n’est plus une action suivie d’une réaction défensive. C’est presque
tout le temps une sorte de provocation offensive.
Nous commençons à enseigner «un monologue simple
et sans nuance, avec un vocabulaire pauvre, mais clamé haut et fort. Nous préférons
les actions destructives et de (parti pris). Peu de variétés d’actions mais
réalisées avec un grand engagement physique».
Le style de combat de certains tireurs d’il y a 25
ans, considéré comme une exception et contre nature (par exemple Dal Zotto à
Montréal) se généralise au point d’être enseigné. Cette pseudo-méthodologie
d’un enseignement spéculatif s’éloigne de la logique interne de
l’escrime de dialogue. Le cercle vicieux de la déviation - enseignement,
tireur, compétition, arbitrage - se reproduit donc perpétuellement.
Pour terminer, je voudrais vous soumettre un extrait
d’une remarquable étude menée par le Maître Gérard Six, qui parvient à
traiter le même sujet, ainsi que les solutions envisageables, d’une manière
exhaustive.
Source: Escrime Internationale, FIE
Me Ioan Pop, Directeur technique international
SIMILITUDE ET SPÉCIFICITÉ DES ARMES
Nous avons essayé d’analyser ce qui rapprochait
les armes actuelles et ce qui les différenciait, faisant d’elles des armes spécifiques.
La cible commune à toutes les armes est évidemment le buste (en excluant le
triangle pour le sabre): Le buste est le symbole de la partie vitale chez
l’adversaire; les cibles complètes sont pourtant des marqueurs importants des
spécificités. La manière de porter les touches tendait à rapprocher le
fleuret et l’épée, toutes les deux armes d’estoc où traditionnellement
les touches étaient plus conduites que portées. Actuellement, le fleuret tend
à ressembler à du sabre de pointe, il se rapproche du sabre pour plusieurs
raisons: les coups sont de plus en plus lancés et leur préparation empreinte
les lignes extérieures de la cible. La notion de menace a aussi évolué pour
se rapprocher de celle du sabre. Logiquement on menace d’un danger: si le
sabreur menace du tranchant c’est que le tranchant coupait à l’origine; de
même, le duelliste montre la pointe acérée de son épée qui risque de
transpercer ou de piquer. On peut en conclure
qu’il n’y a donc plus menace au fleuret lorsque
le bras est court et que la pointe est hors de la cible. La feinte du coupé ne
peut-être une demi feinte et s’arrêter sur le retrait de la lame, elle se
termine par une menace de pointe. La tenue de l’arme tendrait à rapprocher
l’épée et le fleuret, surtout quand le coup est conduit. Tout coup lancé au
fleuret ou à l’épée rapproche du sabre par le cassé du poignet.
Plus que tout autre chose, c’est la convention qui
distingue l’épée du fleuret et la manière de toucher doit permettre de
dissocier le sabre du fleuret. La menace doit être différente pour une arme de
pointe et une arme de taille ainsi que la tenue des armes.
Avant de nous interroger sur les modifications
possibles à mettre en place nous devons résumer ce qui est préoccupant dans
le jeu du fleuret actuel:
-- la convention n’est pas respectée;
-- l’arbitrage n’est pas cohérent;
-- le fleuret perd ses pratiquants et attire moins que les autres
armes;
-- l’enseignement du fleuret n’a plus de repère;
--
la spectacularité du fleuret n’est plus la même puisque les phrases
d’armes changent: moins de contre ripostes, moins de prise de fer, d’attaque
en deuxième intention;
-- le fleuret est plus brutal: coups lancés, contacts, bras
courts.
--
la «conversation policée» qui caractérisait le fleuret a disparu pour
faire place à des «interjections», des «exclamations» pour ne pas dire
parfois des «jurons».
Similitudes
Epée
Fleuret
Sabre
Cibles
Cible du fleuret incluse dans celle d’épée
Manière de
toucher Pointe
Tenue de
l’arme
Même grip
Conduite du jeu
Conventionnel
Manière de
porter
Le fleuret et l’épée étaient proches au début du siècle
les touches
Le fleuret est maintenant du sabre de pointe
Différences
Epée
Fleuret
Sabre
Cibles
Tout le corps
Buste
Dessus de la ceinture
Manière
de toucher
Manière de
porter
Pointe
Pointe
Taille (et pointe)
les touches
Conduits et lancés
Conduits et
Conduits et lancés
lancés
Conduite du jeu
Libre
Conventionnel Conventionnel
Pression de la
touche
Plus de 750 g
Plus de 500 g
Armes
Epée
Fleuret
Sabre
Tenue de
l’arme
Menace
Pointe
Pointe???
Tranchant
Source: Escrime
Internationale
Me Gérard Six, Extrait de
l’étude Propos sur le fleuret