SOPHIE LAMON, 15 ANS, D’ARTAGNAN

EN JUPON AUX PIQUES MEURTRIÈRES

 Le 21 avril 2000, à South Bend (Etats-Unis), Sophie Lamon

est devenue championne du monde d’escrime chez les cadettes de moins de 17 ans

 

UN CARACTÈRE DE BATTANTE, UNE CONDITION PHYSIQUE HORS NORME

ET UNE BELLE LECTURE DU JEU DE SES ADVERSAIRES

La Valaisanne tentera ces prochains mois de se qualifier pour les Jeux olympiques de Sydney. « Je ne fais pas une fixation sur cette qualification pour Sydney, explique Sophie Lamon. Si je l’obtiens, tant mieux. Si j’échoue, tant pis. Je suis encore jeune». Jean-Blaise Evéquoz, sparring-partner de la lycéenne sédunoise à la Société d’escrime de Sion et lui-même médaillé de bronze par équipe avec la Suisse lors des JO de Montréal en 1976 ne tarit pas d’éloges à son sujet: «Ce qu’il y a de bien, c’est que Sophie est formidablement équilibrée, intelligente. Elle est positive, va toujours de l’avant et ne cherche pas à brûler les étapes».

 Sophie Lamon a de la chance. Elle baigne dans un entourage entièrement acquis à son sport. Celui-ci comprend d’abord papa, 47 ans, sacré quinze fois champion suisse dans différentes catégories, par équipe ou en individuel, à l’épée ou au fleuret. Ernest Lamon est l’entraîneur privé de Sophie. Il a d’ailleurs passé, à ses frais, dix jours avec elle aux Etats-Unis, lors des Mondiaux juniors. Professeur de sport dans le lycée que fréquente sa fille (il lui enseigne d’ailleurs la gymnastique), Ernest Lamon pratique l’escrime depuis... quarante ans. Il sait donc de quoi il parle. On trouve ensuite maman, Janine, qui préside, elle, aux destinées de la Société d’escrime de Sion, pépinière de talents depuis des lustres. Pour la petite histoire, papa et maman se sont connus sur les pistes... d’escrime. Séverine et Sébastien, la soeur et le frère, s’adonnent aussi à ce sport. On trouve enfin la Française Laura Flessel, championne olympique à Atlanta et multiple championne du monde ainsi que son maître d’armes, Daniel Levavasseur («la référence mondiale», selon Jean-Blaise Evéquoz). Tous deux sont des proches de la famille Lamon. Ils viennent parfois en Valais et Sophie profite de leurs visites pour progresser encore. «Laura est une amie. Tout ce qu’elle fait me donne des idées», confie d’ailleurs l’intéressée.

 Sophie Lamon ne se souvient plus très bien comment elle est venue à l’escrime. «Une chose est sûre, dit-elle, mes parents ne m’ont jamais forcée à leur emboîter le pas. Ils ne m’ont jamais mis non plus la pression pour les résultats». «Un jour, se souvient son père, elle m’a demandé si ça m’embêtait qu’elle vienne au club. J’ai bien sûr répondu que non. Depuis, nous faisons équipe ensemble». Et quelle équipe. Quand on lui demande quels sont les qualités et les défauts de sa fille sur une piste d’escrime, Ernest Lamon répond sans hésiter qu’elle a toutes les qualités requises pour faire une future grande championne: l’intelligence («elle lit bien le jeu de ses adversaires»),

 un caractère de battante et une condition physique au-dessus de la moyenne. Et les défauts? «Sophie est un peu colérique quand elle perd. Mais s’agit-il réellement d’un défaut?»

 Jean-Blaise Evéquoz partage l’avis du papa entraîneur. Notamment pour ce qui a trait à la condition physique: N’oublions pas que Sophie a été trois fois championne valaisanne d’athlétisme à 14 ans », dit-il. Et d’ajouter: « Elle possède une coordination des mouvements proche de la perfection. Seul ombre au tableau, son jeu de défense est encore perfectible ». Daniel Levavasseur voit, lui, en Sophie Lamon «de la graine de championne.»

 Mais, avant de l’être définitivement, la Valaisanne doit encore progresser. Elle en a conscience et consacre ainsi cinq séances par semaine à son sport: quatre à l’escrime, une à la condition physique. S’ajoutent à cela les nombreux déplacements pour les compétitons, Et les études bien sûr: «Je suis en section économique au Collège des Creusets. Je veux passer une maturité fédérale. Après, on verra.» Escrime et études: pas vraiment de quoi laisser beaucoup de place pour autre chose. «Je ne suis tout de même pas au couvent, considère Sophie Lamon. Je vais au cinéma avec mes amis - nous formons une bande soudée et sympa. Ou au chalet avec mes parents. Je pratique aussi d’autres sports: le tennis, le ski, le snowboard.»

   

Ce prochain week-end, c’est l’épée qui aura la priorité. D’Artagnan en jupon, Sophie Lamon va encore adresser quelques touches «meurtrières» à ses adversaires. Sydney est à ce prix. Et puis, quand on a pour amie Laura Flessel - que le monde de l’escrime a baptisée «la Guêpe» - comment ne pourrait-on pas piquer à bon escient?

  

Source: Yves Terrani, Le Temps, Jeudi 11 mai 2000