NOUS SOMMES TOUS ACADEMICIENS!!

         Texte de Charles Beausire

 

Comme M. Jourdain faisait de la prose nous sommes académiciens sans le savoir puisque au siècle des lumières l’escrime faisait partie des arts académiques avec l’équitation et la danse.

  L’académisme est un phénomène particulier aux activités culturelles qui assimile plus ou moins «culture» et «civilisation».

  L’académie est un instrument parmi d’autre de ce processus de «civilisation» des mœurs qui branche aussi bien l’élite intellectuelle que l’aristocratie. Leurs enfants allaient devoir en apprendre les règles; soit le maniement de l’épée, les lois de l’équitation et l’art de la danse ce que l’on appelait justement des «académies».

L’ACADEMIE D’ARMES

 

La première institution connue en France sous le nom «d’académie» fut celle des maîtres d’armes. Créée par privilège royal en 1867 et placée sous l’égide du patron mémorable de l’escrime, saint Michel, cette compagnie arriva à son apogée sous Louis XIV, qui confirma les règlements et les statuts établis par ses prédécesseurs et accrut encore ses nombreux privilèges. Fondée au cours du règne de Charles IX l’académie continua de jouir de la bienveillance des règnes successifs, jusqu’à la révolution.

  Tout en promulguant ces lois contre l’usage si répréhensible que les duellistes faisaient de leur épée, Louis XIV ne perdait pas de vue les avantages inhérents à la pratique de l’escrime, et voulut se montrer le protecteur éclairé de la science des armes.

  Il institua des Académies, leur donna par lettres patentes des statuts et règlements, et fixa à vingt le nombre des professeurs à Paris. Mais ce n’était là que le côté matériel de l’institution. Louis XIV comprit qu’il fallait l’entourer d’une juste considération. Il octroya donc des lettres de noblesse aux titulaires, autorisa les plus anciens d’entre eux à porter une plaque avec deux épées en sautoir sur fond d’azur et quatre fleurs de lys surmontées d’un casque. Chacun de ces professeurs avait droit à une place réservée dans les théâtres royaux; de plus, le privilège de suivre les chasses de la cour, et de faire revêtir à ses gens la livrée du roi.

  Assurément cela constituait une position très sortable: mais il fallait la conquérir - c’est le cas de le dire - à la pointe de l’épée.  

  D’après les statuts et règlements, l’on ne pouvait se mettre sur les rangs, sans attester au préalable que l’on avait travaillé pendant six années consécutives chez le même maître. Puis venait l’épreuve de l’assaut qui consistait dans le tir avec le fleuret seul, ensuite avec le fleuret et le poignard. S’il arrivait au candidat d’être touché trois fois de suite, il était renvoyé à un autre examen dans un délai fixé.

  Cet assaut qui avait lieu en présence d’un nombreux concours d’amateurs, était comme la pierre de touche des connaissances que possédait le récipiendaire. Il avait cet excellent résultat d’exciter une noble émulation parmi les concurrents, et de les faire participer ainsi à la perfection de leur art.

  L’ancienne Académie d’armes comptait alors vingt membres dont les six premiers étaient nobles de droit et décorés des ordres royaux. Seuls ces vingt membres avaient le droit de mettre pour enseigne, à la porte de leur salle d’armes, le bras armé d’une épée qu’en langue héraldique on désigne sous le nom de dextrochère.

  Cette société, dont la mission et l’utilité pratique étaient justement reconnues, décernait, après épreuves, des diplômes et recevait les maîtres qui se montraient dignes d’être admis parmi ses membres. C’était en quelque sorte le Conservatoire d’une science qui depuis le XVIe siècle est restée essentiellement française.

 

L’une des plus anciennes académies fut ouverte à cette époque par un Maître dont malheureusement le nom ne nous est pas connu. Il professait rue de l’arbre sec, sise près du Louvre comme il se doit.

  Lors d’une prochaine escapade dans la Ville lumière, pourquoi n’iriez-vous pas faire un petit pèlerinage dans cette ancienne rue toujours ouvertes. L’immeuble est méconnaissable, mais si vous allez vous restaurer «Chez la Vieille» vous pourrez constater que l’escalier humide et sombre est en harmonie avec les planchers de guingois que l’on ne serrait pas surpris de voir éclairés aux chandelles. En récompense les repas de la patronne sont succulents (pub gratuite).

 

 

 

Si d’aventure vous croisiez un «black» dans la rue, ce pourrait être Monsieur de Saint-Georges mais hélas ce serait une hallucination ou alors son fantôme. En 1752 le célèbre mulâtre habitait rue Saint-Honoré et passait tous les jours devant cet immeuble dans ce quartier le plus huppé de la capitale. Le Maître, Monsieur de la Boëssière y avait installé son académie d’armes. Il était réputé

  comme l’un des meilleurs enseignants en escrime de Paris. Il prit Saint-Georges sous sa houlette comme c’était un travailleur acharné, ses protégés comprenaient bien vite que pour progresser ils auraient à passer de nombreuses heures à répéter des enchaînements fastidieux avant d’être admis de croiser le fer.

Ce perfectionniste sera d’ailleurs l’inventeur du masque en treillis métallique que nous utilisons toujours agrémenté de quelques améliorations, telles que rembourrages qui le rendent plus confortable.

 

Le fils de M. de la Boëssière de 5 ans plus âgé que Saint-George écrivit en 1818 un traité de l’art des armes que l’on peut encore consulter à la bibliothèque du fort de Vincennes.

  Sous le 1er empire les Maîtres d’armes recevaient le superbe diplôme dont vous avez une illustration ci-dessus, pour décorer les murs de leur académie.

  Parmi les nombreux faits dont peut se vanter le célèbre mulâtre on peut citer l’assaut qu’il livra en soirée de gala à Londres avec un non moins célèbre bretteur, la chevalière d’Eon de Beaumont.

  Ces 2 personnages dont je ne saurais trop vous recommander de lire les exploits dans les biographies qui leur sont consacrées par Alain Guéder pour Saint-Georges et Edith Moreels pour d’Eon; s’entraînaient lors de leurs séjours à Londres chez Maître d’Angelle. On lui doit un magnifique volume de vulgarisation illustré par les figurines célèbres qui décorent même notre académie.

  Pour clore ce chapitre sur les académies on ne saurait mieux faire à l’occasion de la parution du 20eme No de l’Epée d’Argent que de rappeler que la nôtre possédait un superbe panonceau dont nous ne pouvons que déplorer la disparition.

Néanmoins nous possédons toujours les magnifiques fresques dues au pinceau d’Hippolyte COUTAU qui ornent nos cimaises. (Article déjà paru dans la revue no 7 de mars 1998, pages 16 - 20).

  Si à la longue nous les regardons d’un æil distrait et peut-être blasé, nous avons toujours autant de plaisir à tirer sous leur regard bienveillant!

  J’espère qu’il en est de même pour vous et je souhaite à notre red.-en-chef bon courage pour les 20 prochains Nos en le remerciant pour l’énergie qu’il dépense pour mener à bien cette entreprise plus absorbante qu’il n’y paraît. Son but: lutter contre l’apathie et l’indifférence qui s’installent si facilement dans un club qui ronronne dans la facilité. Sa seule récompense sera de voir le succès lui sourire.

  C B