REVUE DE PRESSE DECONTRACTEE POUR

BULLETIN SEVERE

(Texte relevé par Charles Beausire)

 
                                                                                                                                                                    

 

Alors que les vacances ne sont plus qu’un souvenir un peu nostalgique il faut essayer de reprendre le collier en douceur, comme un bon sportif à l’échauffement.

 Faisons donc un retour sur quelques informations de la plus haute importance qui vous ont forcément ou par la force des choses échappé.

 Pour les disciples de bacchus tout d’abord une nouvelle déprimante:

 

Viticulture. - on nous écrit du district de Rolle:

Il n’y a aucune illusion à se faire: il y aura une toute petite

récolte. A première vue, la vigne semble vigoureuse et

les grappes en nombre respectable, seulement, elles

n’ont plus ou presque plus de grains; en moins de quinze

jours, les vers que l’on avait prévus nombreux à en juger

par l’abondance des papillons, ont considérablement

diminué la récolte et même, dans certains parchets, l’ont anéantie.

(GdL, 11.7.1901)

Oui, vous avez bien lu la date du billet: 11 juillet 1901. Ouf, on l’a échappé belle!

TEL EST PRIS QUI...   OU LES EXCES DU STRETCHING

Pour la première fois dans sa carrière, Berkine, un contorsionniste

de 21 ans qui s’entraîne depuis l’âge de 6 ans, a eu son pied droit

coincé derrière son épaule gauche au cours d’un entraînement. Ses

collègues, habitués à le voir se tordre dans des positions invraisemblables,

ont cru à une plaisanterie jusqu’à ce qu’ils constatent qu’au bout de

plusieurs minutes Berkine était toujours immobile. Appelé à la rescousse,

un ostéopathe, a réussi à le délivrer.

(AFP)

 On dit que de nos jours il n’y a plus d’aventure; et pourtant!

Vous n’allez jamais en vacances en Nouvelle-Guinée?

tant mieux pour vous!

AÏE -Piranhas mangeurs de zizis

Il y a un mois, et à quelques jours d’intervalle, deux

pêcheurs papous de Nouvelle-Guinée, qui se soulageaient

dans l’eau, sont morts d’hémorragie. Selon la police et les

scientifiques qui ont reproduit l’expérience en laboratoire: par

l’urine attirés, des poissons, probablement des piranhas, leur ont

sectionné le pénis. (AFP)


Leçons de savoir-vivre

Si je me permettais de vous donner de telles leçons, mon rédenchef m’administrerait une mercuriale aussi sévère que méritée. Je vous soumets néanmoins quelques extraits du «savoir-vivre aujourd’hui» de C. Géricot, Payot, pour vous amuser et qui sait vous rafraîchir peut-être la mémoire.

La plupart des règles de politesse semblent aujourd’hui arbitraires. En fait, elles ont souvent une origine bien pesée. Voici quelques usages de savoir-vivre liés à l’univers de la bouche. Suivis, à chaque fois, du pourquoi de leur comment.

 - On ne mange pas sa salade avec son couteau. Parce que les lames de couteau étaient naguère fabriquées dans un acier oxydable que le vinaigre faisait vilainement noircir. Pratique.

 - On ne baise pas la main d’une femme qui n’a pas retiré ses gants. Parce qu’enduire son gant de poison, et l’offrir ensuite à baiser passait jadis pour une façon très aristocratique d’empoisonner ses ennemis. Machiavélique.

 - Pas de vin avec la salade. Parce qu’une vinaigrette risque de tuer le goût du vin. Bachique.

 - Pas de repose-couteaux sur la table d’un repas grand genre. Parce que, dans ce genre d’occasion, le maître ou la maîtresse de maison est censé changer les services à chaque plat. Logique!

 - En France, quand on dresse la table, on pose les couverts dos à l’air (par exemple, les fourchettes ont les dents qui touchent la nappe, et les cuillers ont le côté bombé dessus). Parce que ce qui compte, c’est que le chiffre de l’argenterie puisse être lu des convives. En France, ce chiffre est gravé sur le côté bombé. Chez les Anglo-Saxons où le chiffre est traditionnellement de l’autre côté, on pose donc les couverts face creuse visible des convives. Ethnique.

 - En Occident, au restaurant, c’est la femme qui s’assoit face au reste de la salle, et pas l’homme. Parce que sous nos cieux, l’homme est censé être fier de sa compagne. Il devrait donc la mettre en valeur tout en s’effaçant. Politique.

Stéphane Bonvin.

A lire: «le savoir-vivre aujourd’hui», C. Géricot, Payot et le Temps.

 ? POURQUOI, COMMENT ?

Rose pour les filles, bleu pour les garçons. Ou l’inverse

«Allô, je suis un de vos lecteurs. J’imagine que vous allez expliquer pourquoi le rose est attribué aux filles, et le bleu aux garçons. Je suis né en Belgique. Dans les années 30, c’était le contraire: rose pour les garçons, bleu pour les filles. Voilà, au revoir et merci». Bigre. Un coup de téléphone, et un monde de certitudes s’écroule. Les filles ne naissent donc pas dans des roses (forcément roses)? Ecoutons Elisabeth Fischer, historienne du costume à Genève. La tradition du rose et bleu apparaît tard, vers 1930. A l’époque, le bleu va aussi aux filles (bleu = Vierge Marie) et le rose aux garçons. Si le bleu passe définitivement dans le camp masculin, c’est peut-être parce qu’à 10 ans, le garçonnet porte traditionnellement des habits bleu foncé, inspirés des uniformes. Sans doute cette convention du bleu/garçon et du rose/fille a-t-elle été généralisée par l’industrie qui a besoin de standards de production.

 Et puis, les mamans sortent toujours plus leur nourrisson. Elles achètent des landaus. Bébé croise désormais des gens qui ne le connaissent pas. Or, remarque Elisabeth Fischer, face à un bébé, les adultes ont un besoin brûlant de savoir si c’est une fille ou un garçon. C’est précisément au moment où bébé est devenu une personne publique et sexuée, que le système bleu/garçon et rose/fille s’est mis en place, comme pour renseigner l’adulte. Lequel continue de craindre, allez savoir pourquoi, de faire une gaffe, de dire aux parents du vaillant Léo qu’ils ont une bien douce Léa.

 

Stéphane Bonvin

Le Temps, mercredi 11 juillet 2001

 

? Pourquoi, comment ?

ou de l’importante influence de l’épée dans la vie

 C’est une histoire ancienne, si ancienne qu’elle en est asphaltée de récits apocryphes. Certains affirment que les Romains conduisaient leurs chars à «senestre» (à gauche donc). Les preuves sont minces. Un exemple? Des rainures sur une route qui sort d’une carrière romaine près de Swindon en Angleterre - sont plus profondes à gauche (chars chargés en partance) qu’à droite (chars non chargés qui arrivaient à l’exploitation). D’autres estiment qu’il devait être plus facile de manier le fouet du côté le plus dégagé de la chaussée, donc en roulant à gauche, les conducteurs étant comme tout le monde, en large majorité droitiers.

 A propos de droitiers, les cavaliers ont pris l’habitude de se croiser par la gauche, tant il est plus facile de se défendre en croisant de ce côté-là avec l’arme en main droite. Comme le fourreau de l’épée, ou du sabre, repose à la gauche du corps, il est aussi plus facile de se mettre en selle par le flanc gauche du cheval. Le côté gauche de la route est de même le moins exposé aux passages et à la circulation. Les Anglais ont étendu ce sens de circulation aux voitures hippomobiles, puis aux automobiles (et aux trains), jusqu’au jour d’aujourd’hui, en Grande-Bretagne comme dans les ex-colonies ou ex-sphères d’influence, le Japon en sus. Ce qui au total fournit un potentiel de deux milliards de personnes susceptibles de rouler à gauche.

 L’île de Sainte-Hélène (on y roule à gauche) nous fournit une transition - pesante comme les canons de Waterloo - pour évoquer Napoléon, qui a imposé la circulation à droite sur ses terres de conquête, usage qui s’est depuis lors répandu dans la plupart des pays de la planète. Il paraît qu’avant lui dans les batailles, les attaques se déclenchaient d’abord avec la gauche de l’armée. Pour désorienter ses adversaires, l’empereur aurait inversé le sens des attaques, puis généralisé le même sens jusqu’à inscrire la circulation à droite dans le Code Napoléon. Cette décision était bien sûr aussi politique, car antibritannique. De plus, et enfin, elle perpétuait une habitude prise sous la Révolution française, qui considérait la conduite à gauche des cavaliers (donc des nantis) comme «chrétienne et royaliste».

 Voilà l’état de la circulation en n’oubliant pas, merci inforoute, que les à-côtés de cette vieille histoire ne sont pas balisés.

 Luc Debraine

Le Temps, vendredi 13 juillet 2001