«MAINTENANT, JE DOIS APPRENDRE»

Sophie Lamon la jeune Valaisanne (16 ans) a abordé l’après-Sydney avec confiance. Elle va se frotter de plus en plus souvent à l’élite mondiale et ne s’est donc pas fixé d’objectif spécifique.

Sion, une fin d’après-midi au centre scolaire du Sacré-Coeur: la halle de gymnastique vit au rythme du bruit des épées qui s’entrechoquent. Au milieu de ses camarades de la Société d’escrime de Sion, dont s’occupent Jean-Blaise Evéquoz et son père, Michel, Sophie Lamon travaille avec son père, Ernest. Pour la plus jeune médaillée olympique de l’histoire du sport suisse (16 ans depuis le 8 février), l’après-Sydney a plutôt bien commencé. Elle a remporté en février le titre national individuel seniors. Elle nous livre ses impressions six mois après son exploit australien et la veille d’une saison qui va la voir se frotter régulièrement à l’élite mondiale.

 Après la médaille olympique et le battage médiatique qui a suivi, était-ce facile de recommencer l’entraînement?

 J’ai repris au mois d’octobre parce qu’il y avait des épreuves de Coupe du monde juniors en novembre. J’étais contente de recommencer, car je n’étais pas saturée d’escrime. Aux JO, les compétitions étaient au début, après quoi je n’ai plus touché une arme jusqu’à la mi-octobre. Si dans ma tête j’avais envie, le corps, lui, ne voulait pas vraiment. Il a fallu lui laisser le temps. Mes premiers résultats n’ont donc pas été terribles.

 Parallèlement, vous avez été beaucoup sollicitée pour participer à diverses fêtes. En plus, il y avait l’école. Comment avez-vous géré votre temps?

 Encore maintenant je suis souvent sollicitée. C’est parfois lourd. Je suis mon programme scolaire normalement, sans un horaire spécialement aménagé. En fait, il faut savoir dire oui à bon escient. Cela dit, tout ce que j’ai fait m’a apporté beaucoup de plaisir. Notamment quand il s’agissait de causes humanitaires. Cela m’a en outre permis de faire connaître l’escrime et de découvrir d’autres sports, d’autres milieux, d’autres gens.

 Le regard que les autres vous portent a-t-il changé?

 Je suis plus connue qu’avant et, au niveau de l’escrime, on n’ignore plus grand-chose de mon jeu. Mais, pour le reste, rien n’a changé, car je suis restée la même. Mes relations avec mes proches sont identiques à ce qu’elles étaient.

 Vous avez bien commencé l’année 2001 en remportant le titre national seniors. Quels sont vos objectifs?

 Ma saison juniors va s’achever avec les Mondiaux à Pâques. Je pourrais encore disputer le championnat du monde cadets, mais, même si j’ai remporté le titre l’année dernière, je vais y renoncer afin de ne pas trop me charger. Maintenant, je vais me concentrer sur les épreuves de Coupe du monde seniors. A ce niveau-là, je dois surtout apprendre. Je n’ai donc pas d’objectif spécifique. Bien sûr, j’espère me qualifier pour les Mondiaux de Nîmes en automne.

 Dans quels domaines estimez-vous devoir progresser?

 Je dois surtout acquérir de l’expérience. Sur le plan technique, maintenant que mon jeu est connu, je dois chercher de nouveaux coups et les travailler. C’est tout un cycle qu’il faut mettre en place. Pour cela, j’ai une chance exceptionnelle; mon père me donne la leçon et Jean-Blaise Evéquoz est là pour la mise en pratique. Mon style, lui, ne changera pas; je suis une attaquante et j’ai le caractère qui va avec.

 Les managers boudent l’escrime

 Si Sophie Lamon pratiquait un sport bénéficiant d’une grande couverture télévisuelle - tennis, athlétisme, ski - sans doute l’un ou l’autre manager se serait-il approché d’elle pour lui proposer de s’occuper de ses intérêts. Depuis le mois de septembre dernier, elle est la sportive de Suisse romande dont on a le plus parlé et elle véhicule une image très positive. Mais l’escrime n’est pas médiatique. «On n’en parle vraiment que tous les quatre ans, au moment des JO», lâche Sophie Lamon.

 La médaillée de Sydney ne se formalise pas vraiment de cette situation. «Je ne pratique pas l’escrime pour gagner de l’argent, mais parce que j’aime ça, relève-t-elle. Et, si l’escrime n’est pas très médiatisée, ce n’est pas qu’un mal. Cela lui évite de tomber dans les dérives financières qui touchent d’autres sports. Mais, si on pouvait en parler plus souvent que tous les quatre ans, ce serait bien».

 Sur le plan financier, les résultats de Sydney ont quand même eu des retombées positives puisque Sophie Lamon bénéficie désormais d’un soutien plus important de l’Aide sportive suisse.

 Leur Avis: Ernest Lamon (son père et son entraîneur)

 «Nous cherchons à améliorer la vitesse de la main et le déplacement des jambes. C’est déjà son point fort, mais elle a les moyens de faire mieux encore. Sophie doit également apprendre à mieux gérer ses matches. Cette capacité lui a fait défaut dans la finale de Sydney contre la Russie. Mais c’est normal vu son âge et son manque d’expérience. Dans cette phase postolympique, nous voulons éviter la pression du résultat. Celui-ci n’est pas primordial. Raison pour laquelle Sophie va renoncer aux championnats du monde cadets et disputer les tournois de Coupe du monde seniors cette année. On progresse aussi dans la défaite».

 Jean-Blaise Evéquoz (partenaire d’entraînement et médaillé de bronze par équipes lors des JO de 1976 à Montréal)

«Sophie a tout pour peut-être un jour gagner un titre mondial ou olympique. Elle est hyperdouée, intelligente et travailleuse. Elle a ce petit grain de folie qui caractérise les champions. Et, en plus, elle est sympathique. Bien sûr, elle a encore beaucoup de choses à apprendre. L’épée est un sport qui demande un certain métier. Quand je tire contre elle, je ne la bats pas par la vitesse, mais par l’expérience. »

 Un club dynamique

A Sion, l’escrime est un sport très vivant depuis longtemps. Michel Evéquoz et ses fils Guy et Jean-Blaise - tous deux médaillés olympiques - avaient déjà fait à l’époque de la Société d’escrime de Sion un des meilleurs clubs du pays. Aujourd’hui, la famille Lamon est très impliquée: Janine, la maman de Sophie, est présidente et s’occupe des plus jeunes, tandis qu’Ernest, le papa, est l’entraîneur, assisté, soit dit en passant, par Jean-Blaise et Michel Evéquoz.

 Mais la médaille de Sophie Lamon n’a pas provoqué de nouveau boom de l’escrime à Sion. «Tout simplement parce que le club, avec quelque 120 membres, dont quatre-vingts ont moins de 20 ans, est déjà au maximum de sa capacité d’accueil», précise Jean-Blaise Evéquoz.

 CARTE DE VISITE

Nom: Lamon

Prénom: Sophie

Née le: 8 février 1985

Taille et poids: 174 cm, 54 kg

Profession: Etudiante

Résultats: Médaillée d’argent par équipe aux JO de Sydney 2000, championne du monde cadette 2000, championne suisse senior 2001. Elue sportive romande de l’année 2000.

   BA