1888
- 1901
Maître Rollet et la Société
d’escrime
A
u milieu du XIXe siècle, Genève comptait une demi douzaine de salle
d’escrime. Les propriétaires, qui devaient être inscrits au registre des maîtres d’armes, enseignaient l’art de pratiquer le fleuret, l’épée, la baïonnette, l’espadon, le bâton, mais aussi la danse, la boxe et la savate.
Règlement sur les maîtres d’armes,
arrêté en Conseil d’Etat le 1er
mai 1816
Le Conseil d’Etat
considérant qu’il importe à la sûreté publique que personne ne puisse donner
des leçons d’escrime sans offrir une garantie suffisante de sa moralité et de
ses capacités, a jugé convenable de soumettre à certaines conditions les
individus qui voudront exercer la profession de maîtres d’armes…
En 1862, on l’a déjà dit, quelques escrimeurs créèrent la Société d’escrime qui « s’assurera le concours d’un maître d’armes, lequel en retour de certains avantages qui lui seront faits, s’engagera à rendre à la société les services qui dans une salle d’armes sont du ressort d’un maître et en particulier à donner des leçons à un prix avantageux à ceux des sociétaires qui le désireront ».
Le 23 septembre 1887, le comité de la Société d’escrime de
Genève prend connaissance d’une lettre de Madame Guépin
disant que son mari, alors maître d’armes de la Société, est très malade atteint
d’une pleurésie et d’une congestion cérébrale.
M. Mirabaud pense alors qu’il faut que M. J. Rollet (qui fonctionnait semble-t-il comme prévôt) se mette à la disposition de Me Guépin et lui offre de le suppléer en ami. Mais même si M. Guépin revient, un prévôt deviendrait nécessaire. Une démarche directe sera faite auprès de M. Rollet.
24 octobre 1887 M. Rollet pris de scrupules a renoncé à faire une démarche auprès de M. Guépin. Ce dernier est maintenant de retour mais sa santé ne lui permet pas de reprendre seul les leçons. Un prévôt est devenu nécessaire et le 29 décembre on apprend qu’il s’agit de M. Mouchet à qui on donnera 100 fr. d’étrennes. Ce jour-là le comité a décidé d’envoyer une délégation discuter avec M. Guépin de son absence et l’engager, par l’entremise de son médecin, à donner sa démission. Puis, le 20 février, le comité entreprend cette démarche auprès de Mme Guépin pour lui faire comprendre que son mari a besoin de repos, qu’il ne peut plus songer à faire de l’escrime et qu’il vaudrait mieux qu’il retourne chez lui.
C’est alors le 24 mars que le comité a reçu la démission de M. Guépin qui se décide à retourner chez lui et à liquider son appartement à Genève. (M. Guépin est décédé à Paris en septembre 1902.)
M. Rollet qui a eu connaissance de ce départ s’offre pour le remplacer. Le comité approuve cette candidature si M. Rollet consent à liquider sa salle actuelle.
Le 28 mars 1888, le comité discute de la convention à passer
avec M. J. Rollet qui est engagé pour le terme de
trois ans à partir du 1er septembre. Ce dernier devra avoir un
prévôt à ses frais. Il devra en outre renoncer à conserver sa salle actuelle.
Cependant, M. Rollet ayant encore un bail de quatre
ans pour sa salle ne consent pas à la liquider immédiatement. Il demande un an
pour cela ou bien consent à ne donner des leçons à sa salle que le soir de 8 h.
à 10 h. pendant la fin de son bail. Le comité n’admet pas que la salle de M. Rollet reste ouverte mais il s’engage à lui payer 500 fr. à
titre de subvention pour l’aider à régler les appointements du prévôt. M. Rollet accepte pour cinq ans.
A cette occasion, M. Rollet a semblé réunir les conditions voulues,
le comité ayant pensé qu’il était préférable de choisir
comme professeur un homme jeune et actif déjà connu à Genève au lieu d’en faire
venir un de l’étranger. (Il
faut dire que M. Rollet, doté d’un caractère pour le
moins ombrageux, avait ouvert une salle d’escrime, de boxe, de savate et de
billard, mais il était inscrit comme commerçant, car il semble bien, à lire les
commentaires lors de son départ, qu’il n’était pas pourvu de l’autorisation des
Autorités.)
Le 5 novembre 1889. Me Rollet
a envoyé une lettre au comité dans laquelle il se plaint des injures que lui a
adressées Mme Massart et demande un changement de
concierge. Mme Massart se plaint également des
procédés de Me Rollet à son égard mais elle est
disposée à retirer ce qu’elle a dit si Me Rollet
retire de son côté les paroles désobligeantes qu’il a prononcées sur elle et
sur sa fille.
Le comité décide de prier Mme
Massart d’adresser des excuses à Me Rollet. Il décide de communiquer sa décision à ce dernier
en le priant d’avertir le comité dès que l’affaire sera arrangée. Si l’affaire
ne peut pas s’arranger le comité décide de garder Mme Massart
jusqu’à la fin de l’année afin d’avoir le temps de trouver un nouveau
concierge.
12 novembre. Mme Massart n’a pas
fait d’excuses à Me Rollet et celui-ci réitère sa
demande de changement de concierge. Dans ces conditions, Me Rollet
se chargerait d’engager un prévôt à l’année qui remplirait en même temps les
fonctions de concierge. Cela libérerait le logement du concierge et permettrait
l’agrandissement de la salle.
Le
principe de prévôt-concierge aux frais de Me Rollet
offre moins d’inconvénients, s’il y a différends entre eux Me Rollet le mettra à la porte sans
que le comité soit mis dans l’embarras. Le comité
écrit à Mme Massart pour lui signifier son congé pour
le 31 décembre.
Le 28 novembre de la même année, M. Harvey demande
si Me Rollet a bien saisi sa position de professeur
et ne s’imagine pas quelquefois être président de la société. M. Mirabaud aimerait qu’on établisse clairement la compétence.
Le 3 janvier 1890, on lit que M. Mouchet,
prévôt, a quitté la société pour se mettre à son compte. Il avait été remplacé
par M. Delaigne, gaucher, qui ne peut plus assumer ce
poste en raison de ses occupations. Il sera remplacé par M. Gerdil
à l’essai, comme prévôt-concierge.
Le 30 novembre 1893. M. Lacombe
fait part au comité d’un différend qui s’est élevé entre M. Demole
et Me Rollet au sujet d’un pantalon que ce dernier
aurait égaré et pour couper court il est décidé d’offrir au réclamant la somme
de 10 fr. montant de la facture.
Le 26 décembre, le président informe le
comité qu’il a été réuni afin de discuter et d’établir la conduite qu’il a à
tenir dans l’affaire Rollet-Luisenton. A la suite de
l’assaut de bienfaisance organisé par le journal « L’Union
Sportive », M. Rollet a été provoqué d’une façon
grossière dans une lettre à lui adressée par M. Luisenton,
se disant professeur d’armes, et de telle façon que Me Rollet
ne peut pas reculer.
Un duel pouvant avoir lieu, le comité doit donc
décider si dans ce cas il doit s’occuper de la chose et même interdire à son
professeur de se battre.
Après une longue discussion le comité
reconnaissant que d’un côté et d’une façon comme de l’autre en s’occupant de ce
duel ne pourrait que faire du tort à la société et de l’autre que Me Rollet étant par trop atteint dans son honneur pour qu’on
puisse lui lier les mains décide qu’il ne prendra aucune part officielle dans
ce différend et que Me Rollet sera libre d’agir comme
son honneur le lui commandera.
Le 30 janvier 1894, le comité reconnaissant
que Me Rollet par sa manière de faire n’a cessé cette
année de lui attirer des ennuis décide de lui envoyer une lettre officielle
dans laquelle les griefs qui existent contre lui, lui seront motivés d’une
façon générale et un projet présenté par M. Lacombe est adopté.
PB