Maître Rollet et la Société d’escrime

1888 - 1901

 
                                                                                                    

 

 

         Nous avons vu l’arrivée, en 1888, de M. Rollet en qualité de Maître d’armes à la Société d’escrime de Genève. Le 30 janvier 1894, le comité reconnaissant que Me Rollet n’a cessé de lui attirer des ennuis, décide de lui envoyer une lettre officielle :

 

« Le comité, désireux de voir la prospérité de la société et celle de son professeur s’accroître de plus en plus, pense qu’une entente parfaite entre tous les membres et Monsieur Rollet est absolument nécessaire à l’accomplissement de ce désir.

» Il décide  donc de profiter de l’expiration de l’engagement de 5 ans pour faire à M. Rollet quelques recommandations amicales. Il croit le moment d’autant mieux choisi que quelques incidents récents ont donné corps à certains mécontentements plutôt vagues jusqu’ici. »

Chacun a compris que les incidents auxquels il vient d’être fait allusion, ont dû être la cause par les ennuis et les préoccupations qu’ils ont procurés à M. Rollet d’un peu moins d’entrain et de variété dans la leçon.

En dehors de cela le comité ne croit pas devoir entrer dans des détails et se borne à appuyer les recommandations déjà faites officieusement par le président.

Ces recommandations portant plus spécialement sur les conversations à la salle et au dehors ; plus de modération lorsque M. Rollet est appelé à parler de tel ou tel tireur : surtout lorsqu’il s’agit d’un collègue.

 

 

Leçon à la salle donnée peut-être par Me Rollet


 

 

Il y aura avantage pour tout le monde à voir la situation se détendre un peu…

 

Il reste entendu que M. Rollet ne devra plus s’engager à l’avenir à tirer dans des assauts sauf entente préalable avec le comité.

 

1er février 1894 (Assemblée générale). Pendant cette année (1893) le comité n’a pas eu la tâche facile grâce aux ennuis que lui ont procurés certains professeurs, aussi après explications nous avons dû leur faire comprendre qu’ils ne seraient plus invités.

D’autres incidents sont venus se greffer sur ces ennuis provoqués en partie par notre professeur Me Rollet auquel des observations verbales ont été faites et confirmées par une lettre du comité.

 

15 mai 1894. M. Lacombe a réuni le comité pour lui faire part des ennuis incessants que réussissent à lui procurer ainsi qu’à la société les maîtres d’armes de Genève et en particulier MM. Boudin et Panoche.

Dans une circonstance récente même ces deux Messieurs n’ont pas fait montre de l’honneur et la dignité qui devrait pourtant faire partie intégrante de leur profession. En conséquence il propose au comité de leur retirer les cartes d’amis visitants qui leur avaient été accordées sur leur demande.

 

31 janvier 1895 (Assemblée générale). M Lacombe présente le rapport du comité. Grâce aux rivalités et aux jalousies entre maîtres d’armes les ennuis n’ont pas été ménagés au comité cette année (1894), un duel a été l’issue de ces faits regrettables.

A propos de l’assaut international pendant l’exposition nationale de 1896 il faut penser que si la société ne s’en occupe pas l’Union des maîtres d’armes de Genève risquerait de s’en emparer au risque de faire échouer cette manifestation.

La fréquentation de la salle a été moindre grâce au beau temps et à la bicyclette.

Le Président Poulin

 
M. Lacombe quitte la présidence après 7 ans de fonctions. M. Poulin est élu président par 15 voix sur 16 votants. La cotisation pour l’année est fixée à 25 fr.

 

Le 22 janvier 1897, M. Rollet demande que les  étrennes du prévôt lui soient attribuées, celui-ci ne faisant pas la salle il est obligé de la faire nettoyer par quelqu’un.

 

Le 21 décembre 1897, le comité demande à M. Rollet de mettre chez lui les objets lui appartenant dont il avait encombré le grenier et la cave, spécialement destinés à la Société. M. Rollet demande un délai.

Les souscriptions pour les étrennes du prévôt seront reçues par le comité qui les distribuera pour éviter les abus d’autrefois.

 

Le 7 janvier 1898, M. Buscarlet demande si M. Rollet a le droit de taner les invités de la Société. M. Poulin est chargé de faire une enquête.


 

 

M. Hentsch
 

Le 26 octobre 1898, les membres sont priés de ne pas introduire des chiens dans la salle.

 

Le 13 décembre 1898, M. Rollet et M. Hentsch ayant eu une altercation dont M. Poulin raconte les détails, il est décidé d’écrire à M. Hentsch en le priant de se conformer dorénavant au règlement de police de la salle.

M. Rollet sera convoqué par le président et sermonné d’autre part.

 

Le 27 septembre 1899, M. Poulin donne connaissance d’une lettre adressée à M. Rollet avant le commencement de la saison au sujet de certaines difficultés qui s’étaient élevées dans le courant de l’année entre lui et quelques sociétaires. M. Poulin ajoute qu’à la suite de cette lettre M. Rollet s’est présenté chez lui, lui assurant de prendre note de ses observations et de faire à l’avenir son possible pour y remédier.

 

Le 28 avril 1900, assaut de fin de saison à 8 heures du soir avec invitation des dames. On écrira aux différentes sociétés de la Suisse en les priant de désigner chacune un tireur pour l’assaut officiel.

 

 

Text Box: Colonel Audéoud

Text Box: Colonel de Loys

On invitera les colonels Audéoud et de Loys.

 

L’orchestre Alessandro jouera de 8 h à 11 h. Buffet pour les tireurs au 1er et buffet payant en bas, avec champagne offert.

La tenue pour l’assaut sera tenue de soirée ou tenue d’escrime. Le comité portera une cocarde rouge et jaune.

 

Le 15 mai 1900, quelques sociétaires ayant exprimé le désir de prendre des leçons de boxe, le comité verra avec M. Rollet s’il y a lieu d’organiser de telles leçons dans la matinée.

 

Le 28 novembre 1900, sur demande de quelques membres relative au changement éventuel de Me Rollet comme professeur, le comité par 4 voix contre 2 se montre favorable à ce projet et décide de le soumettre à l’Assemblée générale.

 

Le 24 janvier 1901, présentation du rapport de la commission chargée d’étudier le remplacement de M. Rollet. Le comité le soumettra sans parti pris à l’Assemblée générale la laissant libre de trancher la question.

 

Le 31 janvier 1901 (Assemblée générale), M. Poulin passe à la lecture du rapport de la commission concernant les griefs énoncés par certains sociétaires sur M. Rollet et de son remplacement éventuel comme professeur.


 

 

M. Poulin ajoute que le comité n’en fait pas une question de cabinet et qu’il laisse l’assemblée libre de trancher cette question comme elle le voudra M. Poulin résume une lettre de M. Messel priant d’intercéder en faveur de M. Rollet.

M. Harvey traite le point de vue moral, technique et financier et conclut en disant qu’avant de prendre une résolution aussi radicale il y aurait lieu d’accorder à M. Rollet, suivant sa demande, de rester encore deux ans à la société afin de lui éviter une humiliation qu’il estime ne pas avoir méritée et que les griefs énoncés contre lui ne sont vraiment pas suffisants pour le remercier.

M. Hentsch n’est pas d’accord avec M. Harvey qui a parlé du passé, lui parlera du présent, il approuve absolument la proposition du comité et estime que pour le bien de la société il faut un changement immédiat.

Il reproche à M. Rollet de n’avoir pas de brevet de maître d’armes (cela n’a pas pu être vérifié aux Archives de l’Etat) et de n’être pas à la hauteur d’enseigner d’une manière convenable l’épée et le fleuret. En outre ses prix trop élevés pour les leçons et fournitures ont éloigné nombre d’élèves.

Text Box: M. Pictet de Rochemont

M. Pictet de Rochemont réfute aussi les arguments de M. Harvey. Il est convaincu qu’au point de vue financier la société n’aura pas à souffrir d’un changement de professeur et que nous trouverons facilement à l’étranger des maîtres bien supérieurs à M. Rollet et aux mêmes conditions. Il se résume en disant que l’intérêt de la société est à un changement prompt et immédiat.

M. Ed Chenevière réfute quelques-uns des arguments de M. Hentsch et dit que si la société est en froid avec les autres salles de cette ville, la faute n’en est pas uniquement à M. Rollet mais un peu celle d’un comité antérieur dont il faisait partie et qui s’est vu dans l’obligation de rompre toutes relations par suite des manières peu correctes des différents professeurs invités à nos assauts.

M. Wasmer parle en faveur de M. Rollet et demande qu’on prenne sa demande en considération, c’est-à-dire de lui accorder encore deux ans.

M. Ch. Borgeaud est venu sans opinion préconçue, mais il trouve que c’est une situation cruelle que de décider une affaire aussi grave. Il plaide les circonstances atténuantes et demande qu’on adoucisse la mesure autant que possible.

M. Gans ne trouve pas les motifs et griefs énoncés par le rapport comme suffisants pour le remplacement de M. Rollet.

M. Richon appuie absolument les paroles de M. Gans.

M. Ramu demande s’il n’y aurait pas lieu de convoquer à nouveau l’assemblée en février afin de lui donner le temps de la réflexion.

M. Poulin verrait un grave inconvénient à réunir de nouveau l’assemblée, suivant lui la question doit être tranchée de suite.

M. Chenevière explique encore que le comité n’a pas pris de position agressive dans cette affaire, qu’il est sans parti pris et que c’est l’assemblée qui devra résoudre la question.

M. Buscarlet insiste encore sur la nécessité d’un changement de professeur et, avec sa compétence habituelle, il donne quelques renseignements


 

 

intéressants sur les observations qu’il a faites depuis un certain nombre d’années à la salle.

M. Buscarlet
 

Après cette discussion, les deux questions suivantes sont posées à l’assemblée qui vote au scrutin secret.

1re question : l’assemblée estime-t-elle que M. Rollet est devenu insuffisant comme professeur et tireur et que le comité doit s’occuper de son remplacement dans un avenir prochain ? Réponse OUI par 23 voix contre 9 et 2 blanches.

2e question : l’assemblée décide-t-elle que le remplacement de M. Rollet doit avoir lieu dès le 1er septembre prochain ? Réponse OUI par 17 voix contre 15.

En conséquence le contrat avec M. Rollet sera dénoncé pour le 1er mars courant.

 

Le 1er février 1901, le comité rédige la lettre qui devra être adressée à M. Rollet pour dénoncer la convention que la société a avec lui suivant la résolution prise par l’assemblée générale du 31 janvier.

 

Le 11 février 1901, le président informe le comité que M. Rollet après avoir été assez vexé et monté contre la société semble être revenu à de meilleurs sentiments. M. Poulin lui ayant laissé entrevoir la possibilité, s’il était correct avec nous, de réunir entre les divers sociétaires une certaine somme qui lui serait remise à titre d’indemnité et comme témoignage d’amitié, M. Rollet se serait montré très reconnaissant et disposé à quitter la société dans de bons termes s’engageant à ne rien faire pour le moment qui pourrait porter préjudice à notre salle.

Le comité décide donc de prendre de suite l’initiative de cette affaire en ouvrant une liste de souscription. Une circulaire sera envoyée à tous les membres. Quelques membres du comité se sont déjà inscrits pour une somme d’une certaine importance.

 

Le 27 mars 1901, plusieurs maîtres étrangers sont en vue :

1.     De Lyon : M. Bonardo avec son frère comme prévôt. Excellent professeur et bon tireur. M. Bonardo viendrait à Genève avec une garantie de 4000 fr. par an. Recommandés par M. Pictet de Rochemont.

2.     Un maître de Saint-Etienne ayant 10 ans de salle et sorti de Joinville avec le numéro 2. Très recommandé par le Docteur Fossey.

3.     M. Bergès fils. Une des premières lames de Paris s’engagerait avec un minimum garanti de 6000 fr. par an.

Après une longue discussion il est décidé de poursuivre les démarches tant à Lyon qu’à Paris et d’écrire à M. Bergès que nous lui donnerions une réponse après avoir étudié les différentes propositions qui nous ont été faites.

La combinaison Bonardo frères pourrait sourire au comité et offrir le plus d’avantages pour la société mais aucune décision n’est prise à ce sujet.


 

 

Ensuite de la tenue peu correcte de M. Rollet et de ses propos désobligeants sur plusieurs sociétaires M. Chenevière veut bien se charger de le voir et de lui parler très sérieusement.

 

30 avril 1901. L’assaut pique-nique est fixé au 23 mai date à laquelle le cadeau sera remis à M. Rollet à l’occasion de son départ. M. Rollet a demandé de remettre les clefs pour le 31 mai.

 

28 mai 1901. Lecture de la lettre de M. Rollet remerciant pour les 1600 fr. qui lui ont été remis à titre de cadeau.

Text Box: M. Chenevière

M. Chenevière rend compte de la conversation qu’il a eue avec M. Rollet avant de lui remettre ce cadeau et des déclarations que ce dernier lui a faites. Il résulte de cet entretien que M. Rollet aurait reconnu la justesse de certaines observations et qu’en reconnaissance du cadeau qui lui était offert par les sociétaires il était désireux de se séparer de nous en bons termes en s’engageant à ne rien faire qui puisse nuire à la société.

Il aurait même ajouté : « Je n’ai pas pour le moment l’intention de fonder une salle ; je ne signe rien mais vous avez ma parole d’honneur et c’est comme si je l’avais écrit, je ne ferai rien qui puisse entraver l’installation de mon successeur. »

M. le président entretien le comité des démarches faites tant à Lyon qu’à Paris pour l’engagement d’un professeur. La combinaison Bonardo frères à Lyon ne peut aboutir par le fait de l’état de santé actuel de l’aîné de ces Messieurs.

Par contre, à Paris, leur choix s’est fixé sur M. Henri Berretrot, maître militaire et frère cadet du grand professeur de ce nom, et qui paraît réunir toutes les conditions nécessaires comme professeur.

C’est un homme rangé, 41 ans, père de famille et d’un caractère agréable. Il produit bonne impression soit comme professeur soit comme tireur.

Sur une observation faite par un membre du comité sur l’âge du nouveau maître, il est répondu par M. Pictet qu’il est très difficile de trouver à Paris un maître civil car ceux-ci ne veulent pas quitter la capitale et quant aux militaires ils n’ont leur retraite qu’à 40 ans et alors c’est toujours délicat de la leur faire manquer ; du reste M. Berretrot paraît plein de santé et de vigueur et il ne croit pas que de ce côté l’âge soit de quelque importance.

A l’unanimité le comité décide de faire venir à Genève pendant quelques jours à titre d’essai, M. Berretrot et d’envoyer une circulaire à tous les membres pour leur annoncer l’arrivée du professeur et les engager à fréquenter nombreux notre salle pour juger par eux-mêmes des mérites du professeur choisi par le comité.

La convention, pour 5 ans, fut signée le 14 juin 1901 et portait sur une garantie de salaire de 4000 à 5200 fr. par an.

 

Le 26 juin 1901, M. Poulin informe le comité qu’une démarche a été faite auprès de lui, il y a quelques jours, par Me Fulliquet, avocat, pour réclamer au


 

 

nom de M. Rollet une somme de 2000 fr. pour indemnité à laquelle il croit avoir droit depuis le moment où nous avons changé de local. Cette demande injustifiée montre le peu de bonne foi de M. Rollet qui avait promis de nous quitter en bons termes.

 

Le 29 juin 1901, il est donné lecture d’une lettre de M. Rollet menaçant de faire un procès à la société si celle-ci ne consent pas à lui payer les 2000 fr. réclamés comme indemnité. Après un échange de vues il est décidé de répondre simplement à M. Rollet que le comité ne peut donner aucune suite à sa réclamation.

 

En 1903, M. Rollet a ouvert une salle privée au 20 de la rue de Rive.

 

Brevet de pointe pour un prévôt établi à Toulouse le 18 juin 1856

 

P B